Christian Dotremont (1922-1979) aurait eu 100 ans cette année.
Les Musées royaux des Beaux-Arts, en collaboration avec les Archives et Musée de la littérature, lui consacrent une exposition qui vit ses derniers feux.
C’est l’occasion de rappeler le lien entre C. Dotremont et Jean Cocteau, qui s’est matérialisé par une nombreuse correspondance. La première rencontre des artistes a lieu en 1941. Leurs relations seront constantes jusque quasiment la mort de Cocteau en 1963. Dotremont, de trente ans son cadet, admirait Cocteau. Il lui consacra plusieurs articles, dans ses correspondances il l’interroge sur son œuvre, s’inquiète de leurs relations comme dans celle belle lettre qu’il lui écrit du domicile de ses parents, 33 place Morichar à Saint-Gilles:
[1955-1956] Tu le devines, très cher Jean, je suis malheureux qu’il n’y ait plus entre nous que ce silence — mais tu n’es pas absent de cette sorte de vie mi-rugueuse mi-tendre que je tente de mener — et tu continues donc à lui donner un sens secret et plus léger que je ne suis. Ai-je terriblement gaffé ? N’oublie pas que tout ou presque va si gravement de traviole chez moi qu’il est rare que je puisse dresser un texte, un geste. Entre ma gesticulation quotidienne et mon geste profond il y a une steppe infranchissable. Je suis horriblement seul, noyé à l’envers — noyé par la surface. Cette besogne de correction (sept heures par jour, NDLR au journal La Cité à Bruxelles) me coupe des fautes que j’avais commencé à élever. Mais je me réjouis — déjà — qu’un jour — tu seras surpris — par mon étude — sur toi. Mon livre… Il n’y a plus rien à dire. Je suis tenté de faire comme les autres. Comme les Morand, les Dutourd, les « jeunes » de la nrf — et d’écrire, donc, des romans froids, futiles, vides — d’obéir à la mode du bien ne rien dire. Dis-moi, si tu veux, pourquoi tu ne l’aimes pas, mon livre. Cela peut, certes, m’aider. Il ne m’est jamais arrivé d’avoir la vérité dans une âme et dans un corps — et j’ai l’impression d’être un presse-papier. C’est une affreuse confidence. Le livre que je prépare sur toi aura la forme d’un journal. Car tu es introuvable dans les bibliothèques. Au revoir, je t’embrasse, Christian [Dans la marge de gauche : 33/ place Morichar / Bruxelles]
On ne sait pas si Cocteau a pu voir les logogrammes. Les premiers se créent en 1962, quelques mois avant la mort de Cocteau.
C’est sous le titre de Peintre de l’écriture que les Musées royaux des Beaux-Arts consacrent une exposition aux logogrammes de Dotremont.
écrire les mots comme ils bougent
(…)
pour que même tout écrits déjà
ils bougent encore dans vos yeux
Les logogrammes ce sont des lettres, des mots, des phrases qui se lient et se délient, se rassemblent et s’envolent, fuient et se rejoignent, ici l’Arabie là l’Orient, dans un joyeux désordre que la beauté planifie.
Vous écrivez tous irrégulièrement, pour toutes sortes de raisons, (…), parce que vous n’êtes pas personne, parce que vous n’êtes pas mort, parce que vous n’êtes pas parfait, parce qu’à chaque instant vous vous inventez vous-mêmes, et le plus irrégulièrement lorsque vous écrivez pour vous-mêmes, très vite avec le seul souci de savoir vous-même vous relire.
Poète, peintre, écrivain, Chistian Dotremont naît à Tervuren en 1922. Il membre-fondateur du mouvement COBRA dont il invente le nom: Copenhague-Bruxelles-Amsterdam, et dont il sera un ardent animateur. Il crée les logogrammes, écriture dessinée, en 1962. Une profonde amitié le soude à Pierre Alechinsky, lié également à Saint-Gilles où il naît en 1927 et y réside ses premières années. Il ne connaît la notoriété qu’à la fin de sa vie. Atteint de tuberculose, diagnostiquée dès 1951, il décède au sanatorium de Buizingen en 1979. |
Source : Pierre Caizergues, Jean Cocteau – Christian Dotremont ou la rencontre de deux solitudes, séance publique de l’Académie royale de langue et de littérature française de Belgique du 6 mars 2004, publié par l’Académie en 2007 :https://www.arllfb.be/ebibliotheque/seancespubliques/06032004/caizergues.pdf.
Les citations de C. Dotremont sont issues de Christian Dotremont, peintre de l’écriture, Dario Cimorelli (dir.), Silvana Editoriale, Milan, 2022.
Coordination : Pierre Dejemeppe
Gestion éditoriale : Isabelle Douillet-de Pange
Traduction : Benoît Delahaye
Rédaction : Pierre Dejemeppe, avec la collaboration de Jacqueline Guisset et Alain Jacobs, Constantin Ekonomidès, Delphine Tonglet, Françoise Vigot, Marie Grappasonni, Alexandre Dimov, Association du Patrimoine Artistique (APA).
Remerciements : Hélène Philippart (commune Saint-Gilles), Juliette Roussel, Christophe Balland, Abderrahim Mekkaoui (Service de la culture de Saint-Gilles), Juliette de Patoul (graphiste), Murielle Lesecque, Pascale Ingelaere, Adrien Dominique (Urban), Constantin Pion, Barbara Felgenhauer et Hervé Pigeolet (IRPA).
Le site est réalisé à l’initiative de Charles Picqué avec la collaboration des Rencontres saint-gilloises et de son président Jean Spinette et le soutien financier d’URBAN/Brussels.
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